Le Grand Entretien : Didier François
SUCCEDICI – Numéro 1 – Edition Ventoux Vaucluse – Automne 2019
S’il nous reçoit dans son bureau pour cette interview, Didier François, sous-préfet de l’arrondissement de Carpentras, est un homme qui connait ses dossiers, mais que l’on va croiser beaucoup sur le terrain.
Arrivé en 2017 dans l’arrondissement de Carpentras, vous avez découvert ce territoire. Comment le voyez-vous aujourd’hui, après deux années de terrain ?
“ Un des attraits de ce territoire, c’est sa grande variété. Variété à la fois par les paysages et par les activités qu’on y trouve. La plaine du Rhône et les contreforts du Ventoux sont des pays très différents. Les activités sont également liées aux différents paysages : les terres maraichères vont y côtoyer le raisin, qu’il soit de table ou de cuve.
Le tourisme y existe également, avec des atouts qui ne sont probablement pas suffisamment mis en valeur. Les activités industrielles pas forcément visibles, pas de grande taille mais tout à fait à la pointe, notamment dans l’agroalimentaire, le bio ou autour des activités du numérique.
Beaucoup de gens sont attachés à ce territoire, ils ont des idées, ils sont dynamiques et sont innovants. C’est véritablement un territoire foisonnant. Cela n’apparait pas au premier abord, mais cela transparait nettement en approfondissant. »
Quels sont les problèmes récurrents qui ont pu vous être remontés lors de votre rencontres avec les entrepreneurs ?
“ Les entrepreneurs, que ce soient ceux que je rencontre sur le terrain, ou ceux qui viennent me voir, ont certes des difficultés. Ils me les remontent, nous essayons de trouver ensemble des solutions. Ces difficultés sont principalement de deux ordres : le premier thème critique est lié aux difficultés à recruter. C’est un grand paradoxe en raison de l’importance du chômage en Vaucluse, car même si le taux de chômage s’est amélioré, il reste encore supérieur à la moyenne nationale. Cela signifie qu’il reste des choses à faire au travers de la formation, initiale et continue.
Mais cela n’est pas suffisant. Il faut réussir à rapprocher les demandes des entreprises au marché de l’emploi. C’est pourquoi, le Préfet a réuni à la mi-octobre tous les acteurs pour travailler sur le thème de l’adéquation à l’emploi.
L’autre thème tient aux difficultés liées aux réglementation, soit sur les ICPE (Installations Classées Protection de l’Environnement), soit avec l’urbanisme. Sur ce territoire, il faut trouver un équilibre entre diverses activités ; le territoire agricole a été beaucoup consommé depuis plus d’une dizaine d’années et il faut le préserver, mais il faut aussi pouvoir aménager des activités économiques, touristiques et répondre aux besoins d’habitations. Une des difficultés est donc de trouver le bon équilibre entre ces diverses occupations du sol. »
Avez-vous identifié une problématique qui vous parait sous-estimée sur ce territoire ?
“ Oui, celle liée à l’eau. L’eau va de plus en plus devenir une denrée précieuse. On pense spontanément aux besoins de l’agriculture et de l’irrigation ; on a pu remarquer ces dernières années, notamment à cause des sécheresses, une grande différence entre les zones irriguées par le Canal de Carpentras et les zones qui ne bénéficiaient pas de son apport. Les rendements s’en sont ressentis.
Mais l’activité économique et l’industrie ont aussi besoin d’eau ; cela veut dire que dans les capacités de prélèvement des nappes et rivières il faut aussi en tenir compte. Reste la gestion de l’alimentation en eau potable. Cela parait tellement acquis que l’on ne se pose pas la question de l’eau potable. Et pourtant le sujet se pose, en particulier dans la région de Sault, où il y a un vrai sujet d’alimentation en eau.
Deux ressources majeures apportent l’eau à ce territoire : le canal de Carpentras et la nappe du Miocène. Cette dernière est maintenant préservée pour la réserver à l’eau potable. Les forages anciens et régulièrement autorisés restent opérationnels, mais plus aucun nouveau forage n’est amené à être validé dans cette nappe sauf pour l’eau potable ; l’Etat travaille notamment avec la Chambre d’Agriculture pour trouver des solutions de remplacement qui permettraient de basculer dans un certain nombre de cas des forages existants pour l’irrigation vers une alimentation venant du Canal de Carpentras. »
Quel jugement portez-vous sur le dynamisme entrepreneurial du territoire ?
“ Il existe une structuration certaine et très marquée du réseau associatif des entreprises : Carpensud et Mucaplis sur le Comtat Venaissin, Orange Sud Entreprendre sur Orange, le Club des Entrepreneurs du Pays de Vaison sur Vaison la Romaine, entre autres. Deux des points positifs de cette structuration sont que tout d’abord celle-ci n’est pas partisane ni corporatiste, et ensuite qu’un de ses objectifs est de mettre en avant leurs membres.
Comme je l’ai fait remarquer au début de notre entretien, s’il y a beaucoup de richesses et de dynamisme dans ce territoire, cela ne saute pas aux yeux spontanément. Cela veut dire que toutes les initiatives pour soutenir et mettre en avant ceux qui sont moteurs dans le développement de ce territoire sont forcément les bienvenues. »
SUCCEDICI – Numéro 1 – Edition Ventoux Vaucluse – Automne 2019
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